Avec ses sens encore engourdis le nourrisson perçoit mal son environnement, son corps lui permet un minimum d’actions et sa conscience peu de compréhension. Il est centré sur lui-même mais au fur et à mesure de son développement, il va considérer davantage son environnement. Il va apprendre à interagir avec le monde physiquement et mentalement, son aptitude à comprendre des situations et à se mettre à la place des autres va progresser avec l’élaboration de ses propres sentiments et de toute son expérience. L’enfant nous montre que l’allocentrisme, notre rapport au monde qui nous entoure est une aptitude à développer. L’égoïsme est basique et instinctif tandis que l'empathie nécessite de la culture et du temps.
L’adulte, ne s’éveille pas brusquement à la conscience, il évolue dans la continuité de son enfance. Selon notre parcours, cet égocentrisme infantile peut perdurer bien au-delà de notre majorité et être encore très marqué lorsque nous devenons à notre tour parent et donc éducateur...
L’enfant s’éveille progressivement, il débute par des observations et des déductions simplifiées qui en s’accumulant vont lui donner accès à des analyses plus complexes. Pour fonctionner, il présume de son expérience afin d'agir et de s'affirmer, il prétend savoir et plus il croit savoir plus il entrave, voir abandonne son apprentissage. On a déjà évoqué dans la partie principale cette tendance à l’objectivité, mais en observant l’enfant, les grandes qualités et failles propres à son immaturité nous rappellent que nous sommes sujet à la même maturation et surtout que l’allocentrisme est l’apprentissage le plus fondamental et le plus ardu de notre évolution.
Si l’enfant est plutôt égoïste naturellement, la question de l’éducation se pose, comment va t-il faire modérer cette tendance si ses ascendants et la société dans laquelle il va évoluer sont marqués par un individualisme forcené? Idéalement, les ascendants transmettent leurs expériences tout en laissant de la place à une nouvelle identité. Ils ne perçoivent pas le renouveau comme une altération mais une continuité. Autocritiques, ils invitent leurs descendants à voir plus loin qu’eux même car ils se savent en élaboration alors que de son côté, l’égoïste, attaché à sa vérité, va chercher à se préserver par le biais d’une éducation autoritaire. L’enfant peut se laisser écraser par cette tradition ou la rejeter afin de développer son originalité mais qu’il adopte le modèle ou qu’il parvienne à s’en émanciper, il hérite probablement d’un déséquilibre en proportion de l’effort à fournir car une oppression extrême inspire un sentiment libertaire extrême.
Nos politiques, nationales et internationales, fonctionnent à l'échelle de quelques années alors qu'il ne serait pas ridicule pour des problématiques qui impactent l'humanité, à l'exemple de la diffusion de nouvelles technologies, de réserver notre action, d'analyser et de faire des choix à l'échelle de siècles et peut être même davantage...Ce niveau de projection temporelle médiocre est à la fois un indice et une conséquence de notre modèle d'ego. Stressés par la frénésie de notre compétition, nous ne pouvons accéder à un rapport au temps long qui requiert à l'inverse une forte cohésion, de la sérénité et la capacité à voir au-delà de soi-même. L’égoïste a du mal à voir plus loin que ses intérêts à courte échéance et sa propre existence. Son fantasme de supériorité lui fait négliger ses liens à l'environnement, l’écosystème, la société, mais également son lien temporel avec sa propre identité culturelle et génétique, c'est à dire ses ascendants et descendants. «Après moi le déluge» illustre notre propos. Notons ici que la performance de certaines dynasties, nations et cultures est en partie attribuable à une aptitude supérieure à la projection dans le temps par des stratégies et des investissements transgénérationnels.
A propos du passé, la mémoire est une aptitude fondamentale de notre identité et de notre intelligence. C'est grâce à elle que nous développons notre expérience ainsi que notre capacité d'analyse qui s'appuie sur des références. Nous apprécions donc une logique et une réalité objective qui facilite notre fonctionnement et nous permet d'imprimer une mémoire fiable, authentique et factuelle mais notre justice illustre que la réalité n'est pas toujours évidente. En effet, certaines affaires restent non élucidées, d'autres sont difficiles à clarifier totalement, il peut subsister des doutes, jusqu’au cas de l'erreur judiciaire où l’on doit admettre que notre enquête et notre jugement étaient erronés, que notre perception de la réalité était fausse. N’ayant pas accès à une vérité absolue, lorsque par confort nous refusons d’admettre les flous d'un monde complexe, nous falsifions le réel. Au plus notre ego est narcissique et autoritaire, au plus il produit une mémoire partiale et avantageuse qui va entretenir son état.
Un modèle d'ego dispose d'une temporalité inversement proportionnelle à son intensité, idem pour sa portée spatiale. En effet l'ego donne la priorité à l'analyse de son environnement intime. Au plus la distance physique est grande, au moins l'individu a tendance à se sentir concerné. Certes, le plus souvent les problématiques proches sont celles qui nous menacent le plus mais ce n'est pas toujours le cas, en effet, des incidents bénins à proximité peuvent nous divertir de dangers beaucoup plus sérieux malgré leur éloignement et qui finiront par nous atteindre, éventuellement trop tard pour pouvoir réagir. La faille est évidente lorsque l'individu découvre soudainement des problématiques qu'il a plus ou moins consciemment ignorées lorsqu'elles touchaient l’autre bout du monde et qu'il réclame une considération sans frontière lorsqu'il en devient à son tour victime. Nous n'avons toujours pas bien assimilé l'aspect sphérique et unitaire de notre environnement. Ce qui nous intéresse ici c'est la mesure du phénomène, la baisse progressive de notre intérêt, jusqu'à l'indifférence, qui illustre concrètement l’intensité variable de notre ego.
L'ego narcissique éprouve de l’empathie pour lui même, ainsi, plus l'autre est proche spatialement, proche temporellement (même génération), proche physiquement et intellectuellement par ses ressemblances morphologiques et idéologiques, plus il est semblable, plus il est apprécié. L'ego fait la guerre à ce qui n'est pas lui, parfois directement mais le plus souvent insidieusement, en hiérarchisant son intérêt. Moins on éprouve d'empathie pour quelqu'un ou quelque chose plus on peut développer de l'hostilité à son encontre.
Si on peut déjà être indifférent à nos semblables, on comprend alors notre problème d’écologie.
L’état de notre ego conditionne directement nos rapports sociaux. Le modéré accède à des relations enrichissantes, généreuses et paisibles tandis que le débridé est condamné à des rapports de force, de profit et de domination.
Le modeste parle peu de lui même, ne cherche pas à se mettre en avant ni à surclasser son collègue. Il n’émet pas de jugement brutal, ne monopolise pas la parole, il est attentif à son vis à vis et ne cherche pas à le convertir à ses propres idées...Il ne s’agit pas de prétendre détailler le comportement idéal mais de remarquer que l’attitude d’un ego «gommé» correspond à de la politesse de fond, bien au-delà des formules. Pour être respectueux envers quelqu’un, il s’agit de le considérer, de lui faire un peu de place, et donc s’oublier soi un instant, se mincir un peu.
La politesse de forme peut être un effort de civilisation visant à amorcer des interactions cordiales mais elle ne peut pas contenir la culture massive du narcissisme. Au delà des formes, un individu poli peut être très agressif dans le registre de l’ego. Dans une culture qui encourage l’affirmation de soi, la pensée objective et le matérialisme, on peut observer des gens qui ne comprennent plus leurs propres manifestations d’ego. Ainsi, malgré une affection sincère et de bonnes intentions, on peut entretenir des relations conflictuelles avec sa famille, ses amis, ses collègues parce qu’on les bouscule sans même s’en apercevoir. On agresse inconsciemment parce que notre ego a adopté une norme comportementale hostile, et nous sommes d’autant plus désorienté lorsque les personnes avec lesquelles nous tentons d’interagir se comportent semblablement...Les règles de politesse peuvent être différentes voir s’inverser d’une culture à l’autre, alors si nous n’en sommes pas avertis ou si nous sommes désinformés à ce sujet, on peut choquer très innocemment.
Si on peut concevoir que des codes de politesse trop stricts et élaborés peuvent rendre les rapports artificiels et stresser les individus, une société qui n’éduque plus la politesse, et échoue à établir un minimum de cordialité dans l’espace publique, cultive insidieusement l’égoïsme et toute sa violence. Imperceptiblement, l’enfant, le citoyen s’habitue à ne plus considérer son environnement, à le braver, à se sentir supérieur...Ne plus avoir à se préoccuper des conventions et du reste du monde, est un confort pour notre ego. Le culte du moi et l’incivilité exercent une action réciproque l’un sur l’autre.
On peut difficilement imaginer les bénéfices en terme de communication que produiraient des sociétés aux individualités équilibrées.
Vexé par sa condition d’organe, sous-ensemble d’un système plus vaste que lui-même, l'ego autosuffisant fantasme sa supériorité et son indépendance. Il fait sécession avec son corps et ne réalise pas qu’il devient hostile à lui même: humanité contre nature, cultures contre cultures, hommes contre femmes, parents contre enfants...Absurdement intimes, les guerres de l’ego sont ses fractures. Comme nous l’avons vu, nos liens à notre environnement sont intimes et complexes, la limite du moi est une vaste question (cf Egologie page 4: une définition délicate). L’ego narcissique, dans son obsession identitaire, s’invente des frontières arbitraires pour distinguer le moi de l’étrange, il trouve des différences postiches et simplistes afin de se donner corps. Les catégories ainsi produites, sont soumises à l’antagonisme qui leur est imposé, défensivement dans un premier temps mais elles peuvent facilement adopter ce système fort intuitif.
L’ego hypertrophié devient sa propre victime en se crispant mais il impose son état à ses victimes qui en deviennent rapidement actrices. C’est pourquoi il est important de refuser les catégories, de résister au confort du ralliement à un groupe. Le sentiment communautaire réduit la portée de notre identité et s’il semble nous renforcer dans l’instant, il nous prépare à des conflits artificiels et stériles. Avec un modèle d’ego déséquilibré, individualité et société s’oppressent mutuellement.
Nous avons encore l’expérience de relations de couple, d’amitié, de familles, de sociétés et de rencontres interculturelles qui fonctionnent positivement mais nous comprenons mal l’origine des tensions qui les menacent. Le concept de «racisme», de «sexisme», d’«âgisme» etc... sont des phénomènes superficiels et périphériques, des trompes l’œil qui nous font manquer le mécanisme de fond qui les produit.
Lorsque nous nous engageons contre les injustices qui nous entourent ou nous concernent, on en vient facilement à militer pour soi même, plus ou moins directement. Même dans une réaction légitime, la défense identitaire, en revendiquant, excite les antagonismes alors que la solidarité, la paix à une échelle globale nécessite par définition, une empathie, un soutien, trans-communautaire. Il semble logique de donner la priorité à la résolution de ses problèmes et de s’associer à cette fin avec des semblables mais ce moi prioritaire s’emballe vite et produit de nombreux effets pervers. Le sentiment victimaire d’un ego, même s’il est justifié, a tendance à réduire son empathie pour ce monde qui l’opprime. S’il est cultivé, cet état empêche le dépassement de soi et l’intégration à un ensemble supérieur.
La plupart de nos pathologies mentales peuvent être associées à des désordres d’ego. On peut lister rapidement: la surestime (mégalomanie) ou la sous-estime de soi; L’incapacité à considérer son environnement ou à éprouver de l’empathie (sociopathie et psychopathie); le sentiment de persécution par l’extérieur(paranoïa); le délire, extrémité d’une pensée objective.
On admet que nos pollutions puissent impacter notre santé, on admet moins que notre culture du super moi puisse alimenter nos désordres mentaux. En effet, en proposant des modèles d’individualité stratosphériques on rapproche la maladie de notre norme. On ne dit pas ici que les troubles mentaux sont de simples constructions culturelles, mais que si nos modèles pouvaient avoir une influence, aussi limitée soit-elle, il serait gênant de découvrir qu’ils nous influencent négativement. Au plus notre ego s’hypertrophie au plus notre empathie s’inhibe, jusqu’à la monstruosité ou la folie...Quelle norme, quelle intensité d’ego nos modèles cultivent-ils? C’est un choix majeur dont nous saisissons mal les conséquences.
L’ego est un système autonome, facilement en circuit fermé et déconnecté de toute raison. Ainsi, il peut justifier des comportements criminels, simplement en évoquant un besoin, une envie parfois futile, en assumant même, à la limite de l’excuse, que les conséquences ou les victimes n’avaient pas été prises en compte. Si la distinction entre la responsabilité criminelle et la folie est parfois délicate, il n’est pas non plus aisé de distinguer la frontière entre égoïsme et aliénation. En effet, si on peut justifier notre surdéveloppement en réaction à un milieu hostile, nous faisons néanmoins le constat d’une humanité en fracture avec son environnement, destructrice et autodestructrice par son inaptitude à l’écologie et à l’empathie.
Comme nous l’avons évoqué dans «le rapport de l’ego au temps», l’urgence engendrée par la compétition économique et géopolitique nous incite à un manque de prudence à propos de la diffusion massive d’applications technologiques. Cette frénésie modifie notre environnement et nos modes de vie sans précaution. Elle témoigne du peu de cas que nous faisons de l’intégrité de notre écosystème, de notre sentiment de priorité et de supériorité mais elle révèle également d’autres indices de notre problématique d’ego. En effet, qui ou quel groupe d’individu décide de la diffusion d’une nouvelle technologie? À l’exemple de l’automobile, l’impact peut être considérable et bouleverser le mode de vie de l’humanité entière, alors qui peut prendre ce genre de responsabilité? Comment et quand ce type de décision est-elle imposée ? Au delà d’un avis ponctuel sur telle ou telle technologie, ce sont les modalités du choix qui nous intéressent. Que cette décision appartienne à une élite gouvernante ou qu’elle relève d’une improvisation collective, l’absence d’une (très) longue réflexion atteste d’une humanité hors de proportion qui ne mesure pas ses actes ou abuse de son pouvoir. Tout comme nous cherchons le développement et l’influence maximum, nous étendons et appliquons notre technologie sans réelle retenue. Sur le modèle de notre pensée objective, le progressiste s’oppose au conservateur, et notre action est systématiquement extrême. L’idée que le calendrier du progrès ne peut être interrogé que par les partisans d’un retour aux cavernes exclue la voie du milieu. La radicalité justifie la radicalité et la modération est reléguée.
Notre modèle d’ego est un héritage du monde sauvage mais sa culture permet une conservation de l’ordre établi. Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’ego déchaîné est à l’origine de notre survie en milieu hostile, il ne s’agit donc pas de blâmer un machiavélisme mais de comprendre une source de blocage de notre système.
En quoi l’ego pourrait-il être un outil de contrôle? D’abord, par son caractère universel, en effet, puisque le narcissisme est une tendance psychologique, sa culture permet de cibler l’ensemble de la population et de l’influencer facilement car il est aisé de le pousser dans le sens de la pente, de déclencher un réflexe, c’est un principe fondamental de manipulation.
S’il peut être un levier facile à actionner, en quoi serait il vecteur d’asservissement? On s’imagine pourtant qu’un individu à l’ego bien trempé serait au contraire, particulièrement indépendant...
1) Nous cautionnons ce que nous convoitons. Lorsque le quidam rêve de s’élever au rang du prince, il n’interprète plus le contraste social comme une injustice. Ses espoirs de fortune lui font admettre un système, même expressément en sa défaveur, et le désolidarise de ses semblables. Ainsi en stimulant le fantasme du moi, en le normalisant, on cimente le système durablement. Son pouvoir de cohésion sociale est inouï malgré sa grande discrétion. En effet, cette adhésion intime au modèle n’étant pas bien comprise on confond souvent l’espoir de promotion avec l’espoir de progrès collectif. Le culte de l’ego «naturel» développe une grande complicité entre les peuples et leurs élites malgré leurs rapports de force. L’égoïsme protège son système.
2) Diviser pour mieux régner. L’excitation des egos favorise leur antagonisme, et donc leur domination. Au plus les contre-pouvoirs sont nombreux et divisés, au moins ils sont susceptibles de contrebalancer celui qui trône. Plus les tensions communautaires sont fortes, plus il semble logique de s’associer à un groupe afin de préserver son identité mais en se plaçant sous un étendard nous admettons et aggravons le conflit. Lorsque nous affichons nos opinions ostensiblement, nous facilitons le contact avec celui qui nous ressemble mais nous nous éloignons des autres en plus de les provoquer. L’uniforme facilite l’identification immédiate et simpliste des alliés et ennemis et donc le conflit. Notre modèle prétend que l’affirmation de soi est une marque de courage et d’originalité alors que c’est notre plus profonde norme, celle de notre ego, qui nous conduit à l’agressivité en caricaturant notre identité.
De la même manière, la satisfaction d’un confort personnel suffisant nous rend vite indifférent aux problèmes des autres et du monde. C’est ici encore, le levier de l’ego qui nous rallie à la conservation de notre état.
3) Au plus un individu se surestime, au plus il est fragile. En effet, lorsque nous échouons à réaliser une image de soi surévaluée, notre ego se heurte à sa désillusion. Cet confrontation, brutale en proportion de notre fantasme, peut réduire durablement notre estime et participer ainsi à notre soumission. Lorsque nous pensons détenir une vérité et qu'une rhétorique supérieure nous fait entrevoir notre insuffisance, nous sommes déstabilisés, là encore, en fonction de l’intensité de notre certitude. Trouvons ici un point essentiel: un individu humilié ne devient pas humble pour autant. En effet, lorsque l'objectivité est notre modèle de pensée et que notre logique se trouve prise en défaut, nous préférons souvent adopter un dogme "de secours" plutôt que de réviser plus fondamentalement notre système logique. Ainsi, une pensée objective est en fait particulièrement instable et corruptible, à l'exemple de l'enfant qui dans sa spontanéité, peut affirmer une ineptie, en comprendre l’aberration et dans la foulée en adopter une nouvelle ou se la laisser suggérer.
Paradoxalement, dans un espoir de stabilité et de confort nous adoptons un système qui se révèle en fait très anxiogène et qui met notre intelligence en faillite, aussi brillante soit-elle, puisque surestimée. De son côté, le modeste trébuche de peu de hauteur et se bouleverse donc moins, son aptitude au doute le rend moins perméable aux influences.
4) L’extrême engendre l’extrême: À l'exemple des systèmes fascistes ou sectaires, l’hyper ego conditionne des hypo egos, et réciproquement. À l’équilibre, l’individu et le groupe interagissent positivement mais sitôt qu’elle se trouve un déséquilibre d’ego, la société oppresse l’individualité et l’égoïsme menace la collectivité. L’individu infantilisé qui redoute son autonomie intellectuelle et matérielle, réclame un système directeur et se comporte lui même de façon autoritaire. Les extrêmes collaborent intuitivement contre la modération.
Autre point, la réaction à un extrême est souvent symétrique, un excès se substituant à un autre excès, on peut observer un cycle assimilable à un contrôle. Une idéologie objective balayée par une autre aux opinions pourtant inverses, correspond en fait à une constante, car malgré une impression de pluralité, le modèle de fond reste une objectivité qui disqualifie systématiquement la réserve. Aussi sincère que soit une réaction à notre modèle, si elle n’est pas pondérée alors elle conserve l’essentiel du problème auquel elle croit remédier.
5) « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute », cet extrait des fables de La Fontaine, nous rappelle que avons identifié le phénomène depuis longtemps, nous sommes très réceptifs aux louanges, elles nous séduisent, nous mettent en confiance, et nous rendent plus vulnérables. Ce procédé est fréquemment utilisé dans le cadre du commerce et de la publicité et plus globalement par les profiteurs et manipulateurs.
L’instrumentalisation de l’ego est une problématique de second ordre. En effet, notre ego est extrêmement difficile à tempérer principalement parce qu’il est profondément inscrit dans notre psychologie, notre manière de penser, et nos instincts matériels. Il reste important de remarquer que nous stimulons le levier de notre ego plus ou moins consciemment et avec légèreté alors qu’il s’agit d’une entrave profonde aux mécanismes complexes.
L'individu qui cultive son lien avec l'environnement étend son identité. Nous pouvons accéder à une forme de survivance matérielle et immatériel au travers du monde sauvage, de la culture humaine, et tout particulièrement à travers nos enfants à qui nous transmettons directement une part physique et intellectuelle de nous même. Ces incarnations peuvent nous permettre de relativiser notre disparition mais envisager et admettre notre mortalité et celle de nos proches reste troublant.
A l’évidence, l’égoïsme aggrave cette difficulté. En effet, celui qui n'a vécu que pour lui même, obsédé par son état, ses besoins, et qui a développé un rapport utilitaire avec le monde, se trouve oppressé par l’anéantissement de sa personne. L’idée de sa fin peut aller jusqu’à vider de sens toute son existence.
Le mécanisme reproductif de notre espèce invite pourtant à une communauté d’ego puisque nos enfants sont des tierces personnes issue d’un brassage génétique de deux individus et qu’ils sont éduqués collaborativement par leurs proche parents et leur société. Ils revitalisent et connectent nos identités. Pourtant, comme nous l’avons évoqué dans d’autres annexes, l’ego déséquilibré parvient à fracturer ces liens. En refusant de faire de la place à l’autre, il entre en conflit, depuis son environnement intime jusqu’à ses sociétés, limitant et stressant ainsi son existence. Ce stress peut stimuler encore d’avantage l’égoïsme et participer à son emballement. Par leur modèle d’ego immature, nos sociétés réalisent leur agonie.